Plasmons Polaritons De Surface

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COMPRENDREPLASMONS POLARITONSDE //////Julien MOREAU1, Lionel LARTIGUE1Laboratoire Charles Fabry, Institut d’Optique Graduate School, 91120 Palaiseau, France,*julien.moreau@institutoptique.fr1La plasmonique est l’étude de l’interaction entre lesélectrons libres d’un métal et la lumière. Les plasmonspolaritons de surface sont des modes plasmoniqueslocalisés au niveau d’une interface entre un métal etun diélectrique. Ces ondes évanescentes, qui peuventêtre obtenues expérimentalement par différentesapproches, ont des propriétés de confinement du champélectrique qui trouvent de nombreuses applicationsdans le domaine des capteurs et de la 1246Article publié en accès libre sous les conditions définies par la licence Creative Commons Attribution License CC-BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), qui autoriseP.sans restrictions l’utilisation, la diffusion, et la reproduction sur quelque support que ce soit, sous réserve de citation correcte de la publication originale.Drude and H.A.Lorentz ont été lespremiers à proposer le concept de gazd’électrons libres autout début du xxesiècle pour décrireles propriétés élémentaires des métaux, en particulier leur conductivitéélectrique et thermique élevée. Leterme de « gaz » signifiant que cesélectrons de valence sont libres de sedéplacer dans le réseau cristallin dumétal comme des molécules à l’étatgazeux, sans interaction entre lesélectrons. En plus des propriétés thermique et électriques, ce concept peutaussi être utilisé avec les équations deMaxwell pour décrire l’interaction dela lumière avec les métaux et expliquer46 www.photoniques.com I Photoniques 115un certain nombre de leurs propriétésoptiques. Concrètement, lorsque l’onéclaire un métal, le champ électriquede la lumière génère une oscillationcollective du gaz d’électrons libres.Cette oscillation, qui correspond à l’excitation d’un mode électromagnétiquedu métal appelé plasmon polariton devolume, est décrite par une pulsationcaractéristique : la pulsation plasmaωp (voir encadré 1). Typiquement,cette pulsation plasma se situe dansl’ultraviolet pour des métaux noblescomme l’or ou l’argent et elle permetde décrire la réponse optique du métal. Ainsi, dans le modèle de Drude,la permittivité d’un métal sans pertes’écrit très simplement :ωp2εm 1 – —2ωSi la pulsation de la lumière incidente est plus faible que la pulsationplasma, ce qui est le cas pour la lumière visible, la permittivité devientnégative et l’indice de réfraction dumétal (n m2 εm) imaginaire pure. Orun indice optique imaginaire puresignifie que la lumière ne peut passe propager, comme il est classiquement observé avec des métaux éclairés par de la lumière visible.Dans le cas d’un métal semiinfini qui possède donc une interface avec un milieu diélectrique extérieur, un second mode est observéexpérimentalement à une pulsationet donc une énergie plus faible, enraison de la présence de l’interface.Il s’agit d’un mode guidé le long del’interface, appelé plasmon polariton

COMPRENDREUne façon simple de retrouver l’expression de la pulsation plasmaest d’écrire l’équation du mouvement 1D d’un gaz d’électrons aprèsavoir été excité par un champ électrique suivant l’axe x (voir Fig. 1). Lechamp appliqué induit une séparation des charges, d’une distance x(t),assimilable à celle d’un condensateur plan (Fig 1a et b). Si la densitévolumique d'électrons du métal est notée n, la charge surfaciques'exprime comme σ n.e.x(t) et donc le champ électrique créé par cettenex(t)distribution de charges s’écrit : Ex(t) — . Ce champ va induire uneε0oscillation du gaz d’électrons. Sans source de frottement, l’équation dumouvement du gaz d’électron est celle d’un oscillateur harmonique de—ne2pulsation caractéristique ωp — appelée pulsation plasma :mε0d2x(t)ene2— – — Ex(t) –— x(t) – ω2p x(t)2dtmε0m Figure 1. Schéma de principe d’un gaz d’électrons libres sans champélectrique (a) et soumis à un champ électrique suivant l’axe x (b) et (c). Enrégime quasi-statique, la distribution de charges dans un métal (b) peutêtre assimilée à celle d’un condensateur plan. Dans le cas d’une interfacemétallique (c), une seule interface chargée peut être considérée.Si l’on considère maintenant une seule interface (voir Fig 1c), le champélectrique induit par la distribution de charges devient deux fois plusnex(t)–faible : Ex(t) —. Cela conduit à une nouvelle pulsation ωp / 22ε0caractéristique de ce mode de surface. Il est possible de démontrer que sile diélectrique au-dessus du métal n’est pas de l’air mais est caractérisépar une permittivité εd, cette pulsation caractéristique s’écrit alors :—ωp / 1 εd .Photoniques 115 I www.photoniques.com 47

COMPRENDREω2p—1–ω2ω2kSPP2 —ε—c2 dω2p1 εd – —2ωFigure 2. Diagramme de dispersion ω f(k) pour le mode de plasmon de surface surun film d’or recouvert d’eau, calculé avec un modèle de Drude d’un métal idéal et avecles valeurs réelles de la permittivité de l’or. Les cônes de lumière dans l’air et du verre BK7sont également tracées pour indiquer le couplage possible entre lumière incidenteet plasmons de surface.de surface (SPP) ou plus simplementplasmon de surface. C’est une ondeévanescente dont l’amplitude décroitexponentiellement avec la distance àl’interface. Dans le domaine visibleet proche IR, plusieurs métaux permettent d’obtenir ces plasmons desurface. Dans la majorité des applications c’est de l’or ou l’argent qui estutilisé. Dans l’ultraviolet, l’aluminiumfonctionne également.VECTEUR D’ONDE DU PLASMONET RELATION DE DISPERSIONCe plasmon de surface est caractérisépar son vecteur d’onde. Son expression en fonction des permittivités dumétal εm, du diélectrique au-dessusεd et de la pulsation ω de la lumièreincidente peut être retrouvée à partirde l’équation d’Helmholtz et des relations de continuité [1]:ω2 εd εm—kSPP2 —c2 εd εmLe fait que ce vecteur d’onde plasmon dépende de la permittivité dudiélectrique au-dessus du métal est48 www.photoniques.com I Photoniques 115à la base de toutes les applications deces SPP dans le domaine capteur. Ilest instructif d’exprimer ce vecteurd’onde du plasmon de surface en reprenant le modèle de Drude pour unmétal idéal :Pour de l’or recouvert d’eau, la relation de dispersion associée ω(kSPP)est représentée en figure 2, calculéeavec le modèle de Drude ci-dessus etavec des valeurs expérimentales dela permittivité de l’or. Plusieurs observations importantes peuvent êtrefaites. Tout d’abord, il est apparentque le modèle de Drude n’est valableque dans l’IR et dans le visible ets’éloigne considérablement des observations expérimentales aux plusfaibles longueurs d’onde (grandespulsations). En restant dans le domaine visible ou IR, on observeégalement que, pour une lumièreincidente de pulsation inférieure à la—pulsation maximum (ω ωp/ 1 εd ), le vecteur d’onde du plasmonde surface est positif, réel, mais toujours supérieur au vecteur d’ondede la lumière dans le diélectrique—au-dessus du métal : k0 εd ω–c.La relation de dispersion du plasmon ne coupe donc jamais celle dela lumière incidente dans le diélectrique. Or pour pouvoir exciter efficacement un mode guidé commecelui-ci, il faut que la projectionFigure 3. Principales configurations optiques pour augmenter la composante du vecteurd’onde de la lumière incidente sur l’interface métal/diélectrique afin de se coupler auxplasmons de surface. a) configuration de Kretschmann où l’on éclaire un film métalliquetrès fin à travers un prisme. b) Utilisation d’un réseau de diffraction gravé à la surface dumétal. c) Excitation d’une source de champ proche au voisinage du métal.

COMPRENDREdu vecteur d’onde incident le longde l’interface soit égale au vecteurd’onde du mode. On ne peut doncpas générer les modes de plasmonsde surface en éclairant simplementl’interface métallique.CONFIGURATIONS OPTIQUESPOUR GÉNÉRER LES MODES SPPTrois types de configuration existentpour générer des plasmons de surfaceavec la lumière (figure 3). Le couplageà travers un substrat transparent, d’indice plus élevé que le diélectrique situéde l’autre côté d’un film métallique, appelé configuration de Kretschmann,le couplage par l’intermédiaire d’unestructure diffractive sur la surfacemétallique et le couplage par champproche. Dans toutes ces configurations, l’idée générale est d’augmenter levecteur d’onde de la lumière incidente le long de l’interface k0 pour pouvoirégaler celui du mode de plasmonsde surface.D a n s la c o n f i g u ra t i o n d eKretschmann, on utilise le fait quela norme du vecteur d’onde de la lumière est augmentée dans un diélectrique proportionnellement àl’indice optique. En éclairant un filmmétallique à travers un substrat deverre et en réglant l’angle d’incidence θ, la condition k 0 nn ω–c sin θ kSPPpeut être facilement atteinte pourune pulsation incidente donnée.Visuellement, cela se traduit parune chute de la réflectivité du filmmétallique en polarisation TM à unevaleur quasiment nulle lorsque toutel’énergie de la lumière incidente esttransmise aux électrons. En pratique, dans le domaine visible, unprisme en verre est utilisé commesubstrat pour obtenir plus aisémentles angles d’incidence élevés nécessaires. Cette technique de couplageest préférée dans la grande majoritédes applications car elle permet degénérer des plasmons de surface surl’ensemble de la surface éclairée àfaible coût. Cependant, cette configuration ne peut fonctionner que sile film métallique est suffisammentfin (quelques dizaines de nm typiquement) pour que la lumière puissese coupler efficacement avec l’interface supérieure.Une deuxième approche pourgénérer localement un mode SPPest de coupler la lumière incidenteavec un réseau de diffraction gravé sur la surface métallique. Pourun réseau de période Λ, la composante parallèle du vecteur d’ondeva augmenter d’une quantité 2π .égale à celle du réseau : k 0 n –ΛCe type de couplage est principalement utilisé pour de la plasmoniquedans des circuits photoniques oùl’objectif est de générer, guider oucombiner des plasmons de surface.Enfin, la propriété générale en électromagnétisme qu’une source de taillesub-longueur d’onde génère enPhotoniques 115 I www.photoniques.com 49

COMPRENDREaugmente avec la longueur d’onde.Une conséquence importante de ceconfinement vertical est une exaltation de l’intensité du champ électrique au voisinage de la surfacemétallique, de l’ordre d’un ordre degrandeur. Pour des applications endétection comme les capteurs SPRpar exemple, l’exaltation et le caractère évanescent sont essentiels car ilsassurent que seuls les évènements àla surface du capteur seront mesurés.CONCLUSIONFigure 4. Evolution de la longueur de propagation du plasmon de surface et de la distanced’atténuation de l’onde évanescente dans le diélectrique (de l’eau) au-dessus du métal enfonction de la longueur d’onde de la lumière incidente, pour les trois métaux les plus utilisésen plasmonique : Or, Argent et Aluminium.champ proche des vecteurs d’onde denorme élevée peut également être utilisée. En éclairant une pointe de typeAFM, placée très proche de la surface,il est ainsi possible de la coupler aumode de plasmon de surface du filmmétallique.PROPRIÉTÉS DES MODES SPPQuel que soit le mode d’excitationchoisi, le mode de plasmon desurface est une onde évanescentese propageant à la surface du métal. Les deux grandeurs géométriques qui caractérisent cette ondeévanescente sont la longueur depropagation du plasmon le long del’interface et son étendue dans lemilieu diélectrique au-dessus de lacouche métallique.La longueur de propagation finievient du fait que, contrairement aumodèle idéal de Drude, un métalréel a des pertes qui vont atténuerprogressivement le plasmon lors desa propagation le long de l’interface.Cette longueur de propagation peut50 www.photoniques.com I Photoniques 115varier de quelques microns pour desmétaux à fortes pertes comme del’aluminium dans l’UV, à quelquesdizaines de microns dans un métalà faibles pertes tel que l’Ag dans leproche IR (figure 4). Il s’agit bien évidemment de distances de propagation très faibles comparées à ce quipeut être observé dans des guidesd’onde en silice et c’est une limitationmajeure de ces modes plasmoniques.Perpendiculairement à la surface, ladistance typique d’atténuation del’onde évanescente est de quelquescentaines de nanomètres et, quelque soit le métal, cette longueurLe plasmon polariton de surface estune onde évanescente à l’interfaceentre un métal et un diélectrique,résultant de l’interaction entre lalumière et les électrons libres dumétal. Dans la plupart des cas, ceplasmon de surface est généré à lasurface d’une couche d’or éclairéepar de la lumière visible. Différentestechniques de couplage sont utilisées : directement en champ lointain à travers un substrat de verre,grâce à des structures diffractivesou par l’intermédiaire d’une pointeen champ proche. En raison de lagrande symétrie du problème, lespropriétés de ces plasmons sontassez peu modifiables et vont êtrefixées par le choix du métal et de lalongueur d’onde d’excitation. Pourdes applications qui demandent unplus grand contrôle des propriétés derésonance, que ce soit d’un point devue spectral ou de confinement duchamp électrique, on utilise des modes plasmoniques générés dans desnanoparticules métalliques, appelésplasmons localisés dont les propriétés sont pilotables par la géométriedes nanoparticules utilisées.RÉFÉRENCES[1]J. Homola Surface plasmon resonance based sensors, Springer (ISBN: 978-3-540-33919-9)[2].H. Benisty, J.J. Greffet, P. Lalanne. Introduction to Nanophotonics, Oxford universitypress (ISBN: 9780198786139)

norme élevée peut également être uti - lisée. En éclairant une pointe de type AFM, placée très proche de la surface, il est ainsi possible de la coupler au mode de plasmon de surface du film métallique. PROPRIÉTÉS DES MODES SPP Quel que soit le mode d'excitation choisi, le mode de plasmon de surface est une onde évanescente