Couverture : Misteratomic

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Couverture : MisteratomicTraduction : Jean-Louis Clauzier et LaurenceCoutrot 2016 by World Economic Forum – All rightsreserved.Title of the English original version :“The Fourth Industrial Revolution”, published2016.This translation of “The Fourth IndustrialRevolution”is published by arrangement with the WorldEconomic Forum, Cologny, Switzerland. Dunod, Malakoff, 2017, pour latraduction française.Dunod, 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoffwww.dunod.comISBN : 978-2-10-076997-12

SommaireCouverturePage de titreCopyrightPréfaceIntroduction1 La Quatrième Révolution IndustrielleLe contexte historiqueUn changement profond et systémique2 Les éléments moteursLes mégatendancesDes points de bascule3 L’impact3

L’économieLes entreprisesLe national et le globalLa sociétéL’individuLes voies de l’avenirRemerciementsAnnexes : Mutations profondes1 : Les technologies implantables2 : Notre présence numérique3 : La vision, nouvelle interface4 : Internet comme habit5 : L’informatique omniprésente6 : Un superordinateur dans votre poche7 : Le stockage pour tous4

8 : L’Internet des objets9 : La maison connectée10 : Des villes intelligentes11 : Le big data pour l’aide à la prise dedécision12 : Les voitures autonomes13 : L’intelligence artificielle et la prise dedécision14 : L’intelligence artificielle et le travailadministratif15 : La robotique et les services16 : Le bitcoin et la blockchain17 : L’économie de partage18 : Les gouvernements et la blockchain19 : L’impression et la fabrication 3D20 : L’impression 3D et la santé5

21 : L’impression 3D et les produits deconsommation22 : Des êtres humains sur mesure23 : Les neurotechnologiesNotes6

PréfaceDansson Dictionnaire des idées reçues,Gustave Flaubert aurait pu ajouter une entréeutile, quoique moins courante il y a cent ans :« Visionnaire : l’écouter quand il parle ».Klaus Schwab a toujours eu une presciencedes mouvements à venir et des forces qui, demanière sourde et puissante, travaillent nossociétés modernes.Lorsqu’il fonde le World Economic Forum, ila déjà cette volonté absolue de convierl’ensemble des esprits et forces vives – nos amisanglophones parleraient des stakeholders – àréfléchir, débattre et construire. Les entreprisesbien sûr, elles qui sont aux premières loges del’innovation, mais également les gouvernements,les universitaires, les syndicats, les ONG et tousles représentants de la société civile – y comprisles plus jeunes, le Forum ayant montré la voie7

aux entreprises en promouvant les Young GlobalLeaders.La méthode est connue et explique le succèsdu Forum : peser de manière concrète, entravaillant à l’amélioration du monde(« committed to improving the state of theworld »). Klaus Schwab s’est toujours soucié dulien avec la réalité et ne s’est jamais contenté deformuler des idées théoriques. Lucide, il n’hésitepas à rappeler aux chefs d’État – toujours avecrespect – des vérités difficiles à dire.La longévité d’un tel succès est remarquableelle aussi. Depuis 45 ans déjà, il a su fairefructifier la justesse de son intuition originelle enprenantdesrisques,enquestionnantcontinuellement, de manière à toujours faireévoluer le Forum pour garder un temps d’avancesur la société et sur l’avenir.C’est ainsi que le Forum a accueilli très tôtdes débats qui dépassaient les cadres nationauxpour interpeller l’ensemble du monde. Dès 1992,quelques mois seulement après l’abolition del’apartheid et en pleine phase de transition,Nelson Mandela, le président sud-africainFrederik de Klerk et le chef zoulou MangosuthuButhelezi se rencontraient pour la première foisà l’étranger, lors de la réunion annuelle du World8

Economic Forum à Davos. Deux ans plus tard etdans le même cadre, Shimon Peres, alorsministre israélien des Affaires étrangères, et lechef de l’OLP Yasser Arafat concluaient unprojet d’accord sur Gaza et Jéricho, quicomplétera le processus d’Oslo.Sans surprise, le Forum a également perçubien en amont certains changements deparadigme en matière économique et industrielle– au premier chef le numérique, en invitant defaçon précoce des start-up – et il s’estcontinuellement attaché à suggérer de nouveauxangles d’action et réflexion.Aussi, lorsque le Professeur Schwab nousencourage à penser l’avenir de la sociétéindustrielle, je ne pouvais qu’être intéressé – etnaturellement flatté de l’honneur qui m’était faità travers l’écriture de ces lignes.Cet ouvrage condense, de manière didactiqueet riche en exemples concrets, une réflexion tousazimuts sur la plus formidable révolutionindustrielle : la quatrième du nom – celle d’unmonde connecté.Par bien des aspects, la science-fiction d’hiera résolument pénétré l’ensemble de nos activités,qu’elles soient quotidiennes, augmentées ou9

virtuelles. Cette accélération fulgurante, loin dese résumer à une différence de degré, constitueun véritable changement de nature – un nouveauréférentiel pour l’homme, qui doit réinventer samanière de vivre, de travailler, de consommer etde faire société.Même à l’échelle des grandes étapes del’Humanité, toutes marquées par de profondes« disruptions » – chasseurs-cueilleurs,agriculture puis trois révolutions industrielles :vapeur, électricité et numérique –, cetterévolution revêt un caractère absolumentsingulier.Jamais le rythme de l’innovation n’aura étéaussi soutenu ; et ce, dans tous les secteurs le, énergie, transport, etc.) ou deservices (banque, assurance, communication,hôtellerie, etc.). Tandis que les « disruptions »technologiques associées à cette nouvellerévolution (intelligence artificielle, Internet desobjets, impression 3D, etc.) ont un caractèreadditif qui démultiplie leur impact, fleuronsindustriels, laboratoires et start-up s’affrontentdésormais sur un champ de bataille des idéesdont les règles ont profondément évolué :d’emblée globalisé, accordant une prime10

déterminante aux pionniers et à la vitesse, et entenant compte d’un client devenu coproducteurdes produits et des marques – le consommateur.Jamais non plus la diffusion de cesinnovations à l’ensemble de la sociétémondialisée n’aura été si rapide, avec, en lignede mire à l’horizon d’une décennie, unemultiplication des points de bascule, cesmoments particuliers où une technologie sediffuse au plus grand nombre et change ainsinotre quotidien pour de bon ; pensez ausmartphone.Quel meilleur témoin érudit que KlausSchwab pour esquisser le prodigieux dividendesociétal – le Professeur est un optimisteirréductible – qui pourrait en résulter, maiségalement pour tirer avec force la sonnetted’alarme ?En effet, nos sociétés, confrontées à un telrythme d’innovation, peinent à prendre lavéritable mesure de ces individualisme, partage, inégalités, valeurajoutée, contrôle des données, vivre ensemble etéthique : cette Quatrième Révolution Industrielleinterroge l’ensemble de notre société, voire lamenace, lorsque des technologies comme11

l’intelligence artificielle seraient susceptiblesd’échapper au contrôle de l’homme. Rappelezvous HAL, l’ordinateur de 2001 : l’Odyssée del’espace, prenant le contrôle du vaisseau spatial.Notre responsabilité à venir sera parconséquent colossale et collective. Citoyens,investisseurs, décideurs économiques etresponsables politiques devront définir le cadrequi ménagera la place et la liberté de l’hommedans ce monde 4.0. Cette révolution n’est passeulement industrielle. Elle touche l’organisationde la vie en société, le travail, le quotidien dechacun. Elle intervient dans les plus petitsdétails de notre vie et interroge notrefonctionnement dans l’avenir. Pas seulementcelui des entreprises. Plus sûrement que lapolitique ou les sciences humaines, elle annonceun profond changement de société.À la lumière de son unique expérience, à lacroisée des mondes, le Professeur Schwab nousinvite à adopter une approche holistique de cesenjeux et il propose plusieurs axes de réflexionqui permettront de façonner ce futur en traind’éclore autour des notions d’humanisme, deprospérité et d’émancipation.Enfin, je ne peux qu’être extrêmementsensible au fait que Klaus Schwab ait souhaité12

traduire son livre en français. J’ai la convictionque la France est dotée de formidables atoutsdans le contexte de cette Quatrième RévolutionIndustrielle – les sciences bien sûr, danslesquelles elle excelle et qui sont le fondementmême de ce bouleversement, mais égalementune capacité à penser avec indépendance lesenjeux sociétaux qui s’annoncent, que ce soientles inégalités ou les données. Klaus Schwab estun francophile et il me semble essentield’entendre ses propos tout à la fois eillants.Depuis le premier choc pétrolier qui marquala fin des Trente Glorieuses, un slogan revient augré des aléas politiques et économiques : « LaFrance n’a pas de pétrole mais elle a des idées. »Cette révolution reste balbutiante et ouverte, ilne tient qu’à nous de nous en saisir !Maurice LévyPrésident du Directoire Publicis Groupe13

IntroductionDetous les défis multiples et fascinantsauxquels nous sommes confrontés aujourd’hui,le plus important est de comprendre et orienterla nouvelle révolution technologique, quin’implique rien de moins qu’une transformationde l’humanité. Nous sommes à l’aube d’unerévolution qui bouleverse déjà notre manière devivre, de travailler et de faire société. Cephénomène inédit par son envergure et sacomplexité constitue ce que je considère commela Quatrième Révolution Industrielle.Nous sommes encore loin d’avoir saisipleinement la rapidité et l’ampleur de cettenouvelle révolution. Ainsi, des possibilitésinfinies s’ouvrent dès lors que des milliards depersonnes sont connectées sur des appareilsmobiles, offrant une puissance de traitement, descapacités de stockage et un accès à l’information14

sans précédent. De même, la convergencevertigineuse des percées technologiques couvred’immenses domaines : l’intelligence artificielle(IA), la robotique, l’Internet des objets (IdO), lesvéhicules autonomes, l’impression en 3D, lesnanotechnologies, les biotechnologies, lessciences des matériaux, le stockage d’énergie etl’informatique quantique, pour ne citer queceux-là. La plupart de ces innovations en sontencore à leurs balbutiements, mais déjà leurdéveloppement atteint un point d’inflexion ;elles se renforcent, se nourrissent les unes lesautres, aboutissant à une fusion des technologiesdes mondes physique, numérique et biologique.Nous assistons à une recomposition de tousles secteurs industriels, avec l’émergence denouveaux business models, la disruption1 desacteurs en place et la restructuration dessystèmes de production, consommation,transport et livraison. Sur le plan sociétal, unchangement de paradigme affecte notre manièrede travailler et de communiquer, mais aussi denous exprimer, de nous informer et de ls se trouvent remodelés, toutcomme l’éducation, la santé ou le transport. Latechnologie devient également un moyen de15

modifier notre comportement et nos systèmes deproduction et de consommation ; elle permet decontribuer à la régénération et à la préservationde l’environnement, plutôt que de créer desexternalités négatives, et tous les coûts cachésque cela entraîne.L’ampleur, la rapidité et la portée de ceschangements sont historiques.L’incertitude qui entoure l’évolution etl’adoption des technologies émergentes est telleque l’on ignore encore les effets destransformations provoquées par cette révolutionindustrielle : leur complexité, leur transversalitéimpliquent que tous les acteurs – du mondepolitique, économique, universitaire et de lasociété civile – s’unissent pour mieuxcomprendre les tendances émergentes. Un cadrede compréhension nouveau est nécessaire sinous voulons bâtir un avenir collectif porteurd’objectifs et de valeurs communs. Il nous fautparvenir à une vision d’ensemble, largementpartagée, concernant l’impact de la technologiesur notre vie et celle des générations futures, etsur le contexte économique, social, culturel ethumain actuel.Ces bouleversements sont extrêmementprofonds : jamais l’humanité n’a connu16

d’époque à la fois si prometteuse et sidangereuse. Je m’inquiète, cependant, deconstater que trop de décideurs demeurentprisonniers d’un mode de raisonnementtraditionnel, linéaire (ignorant la disruption) ;trop pris par leurs obligations immédiates, ils neparviennent pas à développer une penséestratégique sur les forces de disruption etd’innovation qui orientent notre avenir.Je suis bien conscient que certainsuniversitaires et dirigeants considèrent cestendances comme le simple prolongement de latroisième révolution industrielle. Toutefois, troisraisons renforcent ma conviction qu’unequatrième révolution distincte se dessine :Rapidité : contrairement aux révolutionsindustrielles précédentes, celle-ci se déploie àune vitesse exponentielle et non linéaire, parceque nous vivons dans un monde aux multiplesfacettes, profondément interconnecté : chaquetechnologie nouvelle en engendre d’autres,encore plus puissantes.Ampleur et profondeur : la révolutionnumérique est à la racine de la révolutionactuelle qui combine diverses technologies,entraînant un changement de paradigme sansprécédent dans le domaine économique et social,17

dans le monde des affaires, mais aussi sur leplan individuel : ce ne sont pas seulement le« quoi » et le « comment » de notre manière defaire qui se trouvent bouleversés, maiségalement « qui » nous sommes.Impact systémique : cette révolutionimplique une transformation de systèmes entiers,à travers (et à l’intérieur) des pays, desentreprises et tous les pans de la société.En écrivant ce livre, mon intention est deproposer une vue d’ensemble de la QuatrièmeRévolution Industrielle : ce qu’elle est, cequ’elle va nous apporter, comment elle nousimpactera, et ce que pouvons faire pourl’orienter afin qu’elle bénéficie à tous. Ce livres’adresse à tous ceux qui s’intéressent à notreavenir et désirent saisir les opportunités offertespar ces changements révolutionnaires pourtravailler à l’amélioration du monde.Mon objectif est triple :– sensibiliser au caractère global et à larapidité de la révolution technologique etde ses multiples impacts ;– élaborer un cadre de réflexion pour pensercette révolution technologique, identifier18

les problèmes qu’elle pose, les réponsespossibles ;– créer une plateforme qui suscite lacoopération et les partenariats public-privéautour de questions liées à la révolutiontechnologique.Avant tout, ce livre vise à montrer comment latechnologie peut coexister avec la société. Latechnologie n’est pas une force exogène surlaquelle nous n’aurions aucune prise. Nous nesommes pas prisonniers d’une alternative binaireentre « accepter et supporter » d’un côté et« refuser et s’en passer » de l’autre. Il s’agitplutôt de prendre ces bouleversementstechnologiques comme une invitation àreconsidérer qui nous sommes et comment nousvoyons le monde. Plus nous réfléchirons à lamanièredemaîtriserlarévolutiontechnologique, plus nous reviendrons sur nousmêmes et examinerons les modèles sociauxsous-jacents à ces technologies, et plus nousserons à même d’orienter la révolution demanière à améliorer l’état du monde.Orienter la Quatrième Révolution Industriellede sorte qu’elle soit libératrice et centrée surl’humain, et non source de division etdéshumanisante : cette tâche ne saurait être le19

fait d’un seul acteur, d’un seul secteur, d’uneseule région, industrie ou culture. Par sa naturefondamentale et globale, cette révolutionaffectera – et sera en retour influencée par – tousles pays, toutes les économies, tous les secteurset tous les peuples. C’est pourquoi il est essentielde mettre notre énergie au service d’unecoopération entre tous les acteurs de cetteQuatrième Révolution Industrielle, qu’ils soientuniversitaires, politiques, membres de la sociétécivile ou encore industriels. Ces interactions etcollaborations sont indispensables à laconstruction d’un récit positif, commun etporteur d’espoir, permettant aux individus et auxgroupes du monde entier de participer auxtransformations en cours et d’en bénéficier.L’essentiel des informations, ainsi que mapropre analyse, présentées dans ce livres’appuient sur les projets et initiatives actuels duWorld Economic Forum. Elles ont été élaborées,discutées et débattues lors des réunions etévénements récemment organisés par le Forum.Ce livre propose également un cadre deréflexion et d’action afin d’élaborer les futuresactivités du World Economic Forum. Je me suisaussi inspiré de mes nombreux entretiens avecdes leaders du monde de l’industrie, de la20

politique, de la société civile, du mondeacadémique et de la recherche, ainsi qu’avec despionniers de la technologie mais aussi de lajeune génération. En un sens, ce livre est le rcing pour employer le terme anglosaxon, le produit de l’intelligence collective descommunautés qui participent au Forum.Cet ouvrage est divisé en trois chapitres. Lepremier est une présentation générale de laQuatrième Révolution Industrielle. Le logiques. Le troisième approfondit etidentifie l’impact de la révolution et certains desdéfis politiques qu’elle implique. Je conclus enproposant des idées et solutions pratiques sur lameilleure manière d’adapter, orienter etcontrôler le potentiel de cette puissantetransformation.21

1La Quatrième RévolutionIndustrielleLe contexte historiquePar « révolution », on entend un changementbrusque et radical. L’histoire est ponctuée derévolutions ; à chaque fois, une innovationtechnologique ou une idéologie nouvelledéclenche une transformation en profondeur , les révolutions impliquant deschangements radicaux peuvent s’étaler sur desannées.La première mutation importante de notremode de vie, il y a 10 000 ans environ, lors du22

passage de la vie de chasseur-cueilleur à celled’agriculteur, a été rendue possible par ladomestication de certains animaux. Larévolution de l’agriculture est née en associantl’effort animal et l’effort humain pour laproduction, le transport et les communications.Peu à peu, la production alimentaire phique et la concentration despopulations, d’où le processus d’urbanisation etl’essor des villes.À la révolution de l’agriculture succède, àpartir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, unesérie de révolutions industrielles. Dans unpremier temps, à la force musculaire succèdel’énergie mécanique ; aujourd’hui, avec laQuatrième Révolution Industrielle, c’est lapuissance de l’intelligence augmentée qui vientrenforcer la capacité de production.La première révolution industrielle couvre lapériode allant de 1760 à 1840. Déclenchée parl’invention de la machine à vapeur et laconstruction des chemins de fer, elle inaugurel’ère de la production mécanisée. La deuxièmerévolution industrielle couvre la fin duXIXe siècle et le début du XXe : elle permet laproduction de masse, avec l’électricité et les23

chaînes de montage. Émergeant dans les années1960, la troisième révolution industrielle est engénéral appelée révolution informatique ounumérique : elle est catalysée par ledéveloppement des semi-conducteurs, avecl’ordinateur mainframe ou ordinateur central(années 1960), l’ordinateur personnel (années1970 et 1980) puis Internet (années 1990).J’ai bien conscience des controversesscientifiques autour de la définition des troispremières révolutions industrielles, et je pensefermement que nous sommes aujourd’hui àl’aube d’une Quatrième Révolution Industrielle.Née au tournant de ce siècle, dans leprolongement de la révolution numérique, elle secaractérise par la présence universelle d’Internetsous sa forme mobile, par des capteurs toujoursplus petits, plus puissants et moins chers, et parl’apparition de l’intelligence artificielle et del’apprentissage automatique (machine learning).Les technologies numériques avec leurséquipements informatiques, leurs logiciels etleurs réseaux ne datent pas d’hier ; ce qui romptavec la troisième révolution industrielle, c’estleur complexité et leur intégration toujourscroissantes, qui bouleversent les sociétés etl’économie mondiale. De là, l’expression d’un24

« deuxième âge de la machine2 », utilisée pardeux chercheurs du Massachusetts Institute ofTechnology (MIT), Erik Brynjolfsson et AndrewMcAfee, pour qualifier notre époque ; d’aprèseux, le monde se trouve à un point d’inflexion,et l’effet de ces technologies numériques va semanifester dans « toute sa puissance » parl’automatisation et donner naissance à « deschoses sans précédent ».On discute actuellement en Allemagne del’« Industrie 4.0 », terme forgé en 2011 lors laFoire de Hanovre pour décrire la manière dontces transformations vont bouleverser toutes lesfilières de l’économie mondiale. En inaugurantl’« usine intelligente », la Quatrième RévolutionIndustrielle crée un monde où les systèmesvirtuels et physiques de production du mondeentier coopéreront de manière flexible : onpourra ainsi personnaliser intégralement lesproduits et créer de nouveaux modèles defonctionnement.Pourtant, la portée de la QuatrièmeRévolution Industrielle va bien au-delà dessystèmes et des machines intelligentes etconnectées. On assiste à plusieurs vaguesd’innovations simultanées dans toutes sortes dedomaines, du séquençage génétique aux25

nanotechnologies, des énergies renouvelables àl’informatique quantique. C’est la fusion destechnologies et leur interaction simultanée dansle monde physique, numérique et biologique quiconstitue l’originalité de cette QuatrièmeRévolution Industrielle.Cette fois, les technologies émergentes et lesinnovations transversales se diffusent bien plusvite et plus largement que lors des révolutionsprécédentes, lesquelles continuent à sedévelopper dans certains pays. La deuxièmerévolution industrielle n’a pas encore atteint17 % de la population mondiale : près de1,3 milliard de personnes n’ont toujours pasaccès à l’électricité. Il en va de même pour latroisième révolution industrielle : plus de lamoitié de la population mondiale – 4 milliardsd’individus –, pour la majeure partie dans lespays en développement, n’a pas accès à Internet.La navette volante, emblème de la premièrerévolution industrielle, a mis près de 120 ans àse diffuser hors d’Europe. Il a fallu moins d’unedécennie à Internet pour envahir la planète.La leçon de la première révolution industrielleest encore valable : le niveau d’adoption del’innovation technologique par la société est undéterminantmajeurduprogrès.Les26

administrations et institutions publiques, toutcomme le secteur privé, ont leur rôle à jouer,mais il est aussi essentiel que les citoyens enperçoivent les bénéfices à long terme.Je suis fermement convaincu que laQuatrième Révolution Industrielle sera aussipuissante que les trois précédentes, et qu’elleaura un impact et une importance historiqueéquivalents. Toutefois, deux éléments principauxme préoccupent, qui sont susceptiblesd’empêcher cette révolution de se réaliser defaçon pleine et cohérente.Tout d’abord, dans tous les secteurs, leleadershipetlacompréhensiondesbouleversements en cours me semblentinsuffisants : il est impératif de repenser nossystèmes économiques, sociaux et politiquespour faire face à cette nouvelle révolutionindustrielle. Au niveau national comme auniveau mondial, le cadre institutionnel requispour piloter la diffusion des innovations et enatténuer les effets disruptifs est faible, voireinexistant.Ensuite, le monde a besoin d’un récit collectif,cohérent et positif exposant les problèmes et lesespoirs nés de la Quatrième RévolutionIndustrielle ; un tel récit est indispensable si27

nous voulons donner un pouvoir d’initiative auxindividus et aux diverses communautés et éviterun rejet populaire des transformations qui ontcommencé.Un changement profondet systémiqueNotre hypothèse de départ est que la technologieet le numérique vont tout révolutionner. « Cettefois, c’est différent » : ce vieil adage, tropsouvent galvaudé, prend tout son sensaujourd’hui. Des innovations technologiquesmajeures sont sur le point de provoquerd’immenses bouleversements dans le mondeentier. C’est inévitable.Au vu de l’ampleur et de la portée deschangements,oncomprendpourquoil’impression de « disruption » et de nouveautéest si vive. Tant par son développement que parsa diffusion, l’innovation est plus rapide quejamais. Les « disrupteurs » d’aujourd’hui,Airbnb, Uber, Alibaba, etc., universellementconnus, étaient quasi inconnus il y a quelquesannées à peine. L’omniprésent iPhone n’a été28

lancé qu’en 2007. Fin 2015, on comptait plus de2 milliards de smartphones. En 2010, Google aannoncé sa première voiture entièrementautonome. Sous peu, ces véhicules envahirontles routes.On pourrait multiplier les exemples. Pourtantla vitesse n’est pas seule en cause : ts. Grâce à la numérisation nt (du moins en partie) aux rendementsd’échelle décroissants. Pour s’en faire une idée,il suffit de comparer Détroit en 1990 (alorscapitale des industries traditionnelles) avec laSilicon Valley de 2014. En 1990, les trois plusgrosses entreprises de Détroit avaient unecapitalisation boursière cumulée de 36 milliardsde dollars, un chiffre d’affaires de 250 milliardsde dollars et 1,2 million de salariés. En 2014, lestrois principaux géants de la Silicon Valleyavaient une capitalisation boursière bien plusélevée (1 090 milliards de dollars), généraient àpeu près le même chiffre d’affaires(247 milliards de dollars), mais avec environ10 fois moins d’employés (137 0003)4.Aujourd’hui, il faut beaucoup moins desalariés pour créer une unité de valeur qu’il y a29

10 ou 15 ans, car, dans le numérique, les coûtsmarginaux des entreprises tendent vers zéro. Deplus, à l’ère du numérique, nombre d’entreprisesfournissent des « biens et servicesd’information », avec des coûts de stockage, detransport et de reproduction quasi nuls. Dans lesnouvelles technologies, certaines entreprisesdisruptrices n’ont besoin que d’un capital réduitpour prospérer. Ainsi, Instagram ou WhatsAppont démarré avec un financement minime : avecla Quatrième Révolution Industrielle, le rôle ducapital et la taille des entreprises changent.D’une manière générale, la recherche derendements d’échelle croissants incite lesentreprises à grandir et entraîne deschangements transsectoriels.Ce qui fait la spécificité de la QuatrièmeRévolution Industrielle, outre sa rapidité et sonenvergure inédites, c’est son caractèretransversal, avec la coordination et l’intégrationcroissantes de multiples découvertes venant dechamps divers. Les innovations tangibles néesde la conjonction de différentes technologies nerelèvent plus de la science-fiction. Ainsi, nt aujourd’hui dans le domainebiologique.30

Déjà, certains designers et architectes mêlentconception informatique, impression 3D, géniedes matériaux et biologie de synthèse pourinventer des systèmes dans lesquels interagissentdes micro-organismes, notre corps, les produitsque nous consommons, et même les bâtimentsoù nous habitons. Ce faisant, ils fabriquent (ouparfois même « font pousser ») des objetscapables d’évoluer et de s’adapter enpermanence (faculté jusqu’ici réservée auxorganismes vivants).Dans Le Deuxième âge de la machine,Brynjolfsson et McAfee affirment que lesordinateurs sont si agiles qu’il est quasiimpossible de prédire à quoi ils serviront souspeu. L’intelligence artificielle (IA) estomniprésente : voitures et drones autonomes,assistants virtuels ou encore logiciels detraduction. Tout cela est en train de bouleversernotre existence. Grâce à l’explosion de lapuissance de calcul et aux ressources des basesde données, l’IA a fait des progrèsimpressionnants, des logiciels permettant dedécouvrir de nouveaux médicaments auxalgorithmes prédicteurs de nos préférences enmatière culturelle. La plupart de ces algorithmesse nourrissent de nos traces, ces « petits31

cailloux » que nous semons en parcourant lemonde numérique. Il en résulte de nouveauxtypes d’apprentissage automatique et dedécouverte automatisée, qui permettent à desrobots et à des ordinateurs « intelligents » des’autoprogrammer et de trouver des solutionsoptimales à partir de principes élémentaires.Des applications telles que Siri, développéepar Apple, donnent une idée de la puissance desassistants « intelligents ». Ceux-ci ontcommencé à émerger il y a seulement quelquesannées. Aujourd’hui, la reconnaissance vocale ent que parler aux ordinateurs deviendrabientôt la norme. On assistera à la naissance dece que certains technologues appellent « ambientcomputing » (informatique omniprésente) : cesrobots assistants personnels seront constammentà disposition pour prendre des notes et répondreaux demandes des usagers. Toujours plusintégrés à notre écosystème personnel, nosappareils seront à notre écoute, anticiperont nosbesoins et nous aideront si nécessaire, sansmême qu’on le leur demande.Les inégalités, défi systémique32

Les bienfaits que l’on peut attendre de laQuatrième Révolution Industrielle sont à lamesure des risques qu’elle soulève. À cet égard,le creusement des inégalités est particulièrementpréoccupant.Les problèmes liés à la montée des inégalitéssont difficiles à évaluer, car nous sommes tous àla fois consommateurs et producteurs :l’innovation et la disruption auront des effets àla fois positifs et négatifs sur notre niveau de vieet notre bien-être.Il semblerait que le grand gagnant soit leconsommateur. Avec la Quatrième RévolutionIndustrielle apparaissent de nouveaux produits etservices qui, à très faible coût, facilitent la vie duconsommateur. Appeler un taxi, trouver un billetd’avion, commander un objet, effectuer unpaiement, écouter de la musique,

Revolution” is published by arrangement with the World . 16 : Le bitcoin et la blockchain 17 : L’économie de partage 18 : Les gouvernements et la blockchain 19 : L’impression